Sociologie Appliquée : Le Bus

                        Je ne sais pas si cela vous fait la même chose, mais moi je ne peut pas m’empêcher de regarder autour de moi, d’observer, de décortiquer les actions de mes concitoyens. Alors pour ne pas que ces géniales réflexions ne tombent à jamais dans l’oubli, je me propose de vous les soumettre. Bien entendu, tout ce qui pourrait être dit ou hurlé dans les lignes qui suivent n’engage que moi, et même si vous partagé mon analyse, vous êtes priés de me verser 50% des bénéfices qui pourrait éventullement résultés du best-seller que vous pourriait en tirer, merci. 

                        Le sujet sur lequel je me penche aujourd’hui est bien connu de ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un véhicule personnel leur permettant de faire des tonneaux, du deux-roues, des têtes-à-queue, bref tout ce qui fait la joie de l’existence. Donc, tout ceux qui ne risquent pas leur vie dès qu’ils se rendent quelque part l’auront déjà compris, je veux parler du bus.

Le bus. A chaque voyage, un nouvel enchantement. On y trouve sa faune diversifiée, sa flore (sièges taggés,chewing-gum… ), sa fragrance subtile (pour ceux qui n’ont jamais compris les pubs de parfum comme moi, sachez que c’est un synonyme d’odeur. Vous voyez, vous avez déjà appris quelque chose !), son climat plus ou moins tempéré…

                        Bien entendu, nous ne parlerons pas ici du bus lui-même, généralement un Heuliez ou un Renault, dont la couleur varie selon les villes. Non, amis sociologues, aujourd’hui nous traiterons bien évidemment de ce qui fait l’identité de ce moyen de transport, sa véritable essence, si je puis dire (rire distingué) : ses usagers. Très diversifiée, cette population rassemble aussi bien des Jeunzes que des vieux, des punks que des crânes rasés, des nains que des géants, des Mac que des PCs… Bref le pire et le meilleur (niark, niark).

                        Et ce joyeux « melting pot » (encore une fois pour les inculturés, cela signifie qu’ils se mélangent et qu’ils sont tous potes. Enfin, je crois.) donne le spectacle d’un monde uni par le lien des barres de maintien et des lanières de cuir. Mais détaillont un peu. Tout le travail du bus est basé sur un horaire. Logique. Mais de cette horaire va dépendre la population embarquée !

 

            Premier Bus : 6h – 7h30 : Les gens sont peu nombreux. Ils ont pour points commun leur teint blafard, les baillements qu’ils lâchent avec régularité, et ses charmants petits yeux rouges qui font le charme des travailleurs de la nuit. En effet, soit ils rentrent de leur travail, soit ils y vont. Bien sûr, vous pourriez me dire que j’en sais rien, qu’ils viennent peut-être de faire une giga-teuf à leur bureau en profitant de l’absence de leur chef de service, que c’est peut-être pour ça que La Poste est toujours allumée vers 2h du matin et qu’on entend comme une vague rumeur faisant « C’est la chenille qui démarre… ». Mais alors là je dis ne détournons pas le sujet !

 

                                   7h30-8h30 : L’heure de pointe de la matinée. Des centaines d’étudiants, lycéens, collégiens et peut-être même ces petits morveux de l’école primaire, s’embarquent pour rejoindre leurs établissements respectifs. On pourrait croire qu’ils bombent le torse, conscient que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, et que fier de leur dévouement à la cause universelle du savoir, ils grimpent dynamiquement à bord, leurs yeux fixés vers un horizon lointain mais prometteur…

Mais non ! Faut les voir se traîner comme des limaces, s’accrocher désespérément aux rampes, se hisser péniblement à bord et s’écrouler qui sur un siège, qui sur un camarade. Ce sont alors des bus surpeuplés de véritables zombies qui avancent péniblement jusqu’aux écoles, bien-aimés lieux du savoir également appelés par une population crasseuse et ignorante « centre de torture individualisé ». Généralement le voyage s’effectue dans un silence uniquement troublé par le roulis discret d’un walk-man, ou bien le BAM-BAM-BAM beaucoup moins discret d’un identique appareil. Tout dépend en fait des goûts et des oreilles du jeune sauvageon concerné. Notons également que si à cette heure le dynamisme n’est pas de mise, le nombre fait qu’il devient inutile de se retenir de s’endormir, vu que même ainsi la position debout est  la seule possible. D’ailleurs, on pourrait dans un accès soudain de poésie qualifier ces bus du matin de véritable dortoir roulant ! Imaginez un peu si tout le monde gardait son pyjama pour embarquer alors que le jour se lève à peine dans un bus moquetée, avec des draps doux suspendus aux parois, équipés d’oreillers incorporés !

 

                                   9h-11h : Alors là, paradoxalement, le bus s’éveille avec nos amis les ancêtres. Par petits groupes, ils rejoignent qui leur clinique, qui leur club de bridge, qui leur bureau municipal… Et le bus raisonne alors des joyeuses interpellations « Vl’à ti pas la Mère Renée ! » ; « A bah Msieur Dujean ! ».  C’est le meilleur moment pour étudier cette curieuse population, comprendre quel est donc l’attrait cachée d’ « Amour, Gloire et Beauté », découvrir leur cris de révolte (en ce moment la fin de « La chance aux chansons », je crois), bref tout ce qui constituera peut-être un jour NOTRE univers (désolé pour les suicides que je viens de causer…). Généralement, il n’y a pas foule, et les groupes sont concentrés sur les 4 sièges qui se font face, de préférence « dans le sens de la conduite sinon ça me fait mal à la tête ! ».

 

                                   11h-14h : Quelques Jeunzes rentrent chez eux pour bouffer, mais sont peu nombreux.

 

                                   14h-15h30 : Retour conjoint des personnes âgées et de certains jeunzes chanceux qui  finissent à ces heures-ci. Toujours en petits nombres.

 

                                   16h-17h : Apocalypse, Armageddon, Foire aux Bestiaux… Les chauffeurs ont de nombreux surnoms pour ces 2 heures particulières qui correspondent bien évidemment aux sorties d’école. Là, les mêmes Jeunzes qu’aux matins réapparaissent, le sourire aux lèvres et la plaisanterie facile (notez comme il feigne de ne ressentir aucune tristesse à l’idée de devoir cesser pour d’interminables heures leur quête du savoir, comme ils refoulent leurs larmes à l’idée de s’offrir un repos qui, bien que très frustrant, leur est néammoins nécessaire…), sautent agilement dans le véhicule, saluant le chauffeur d’un « Salut blaireau ! » retentissant ! Ah, elle est loin la fatigue du matin ! Le cerveau pleinement fonctionnel, ils peuvent pleinement exprimer leur créativité : ils font des citations avec des chewing-gum (le plus courant étant le fameux NTM, pour Nictius Terosem Madrena, « la Mère est Source de Tout » ), ou bien dessine la représentation moléculaire de l’hydrozincogène avec leurs mégots de cigarette, ou encore teste la capacité de résistance d’un support plastique (en l’occurrence un siège) aux propriétés du Trinitrotoluène (T.N.T pour les intimes)… Bref, tout ce qu’ils n’ont pas eu le temps de faire à l’école !

                                   Parfois, perdu dans cette masse de cerveau en ébullition pressés les uns contre les autres, on note quelques silhouettes menues et aux cheveux blancs. Ce sont nos amis les retraités, des téméraires qui sont restés au bridge jusqu’à la fermeture (16h30) et qui brave à présent la foule pour sortir à leur station. A ce propos, on note quelques bizarreries : cette manie de demander à un Jeunze de bien vouloir appuyer sur le bouton « Arrêt Demandé », de se lever toujours au dernier moment pour obliger le bus à attendre que la personne se soit frayée un chemin dans la masse jusqu’à la porte… tout cela dénote une certaine attirance envers ces mêmes jeunzes, traduit comme un refus de partir loin de tant de fougue et d’intelligence. Ce n’est qu’à reculons que la personne tout de blanche chevelue quitte le bus, magnifique endroit d’échange et de partage, carrefour des générations, frontière de l’infini….

 

                                   18h-21h : Quelques courageux universitaires fatigués rentrent, alors que les travailleurs de nuit commencent leur « journée ». Le cycle perpétuel continue.

 

                        En conclusion, amis et amies sociologues, il me paraît évident de qualifier le bus comme un endroit fabuleux d’échange, d’ouverture au monde, aux cultures différentes (comme cet individu qui avait coutume de voyager un pied coincé entre deux portes…), un véritable observatoire propice à toutes les études. Ainsi, j’ai eu l’occasion de m’approcher d’une certaine tribu qui avait coutume d’attacher le plus petit d’entre eux aux poignées et de le laisser pendu là, comme en offrande…Mais c’est une toute autre histoire !

 

 

* : pour les parisiens et parisiennes (salut Amélie !), rien ne vous empêche d’appliquer cette analyse au RER ou au métro, mais n’oublions pas que le facteur souterrain joue un rôle certain qu’on ne peut décemment pas ignorer, sans parler de l’obscurité « de facto » qui rapproche plus le réseau ferré à une taupinière qu’ à autre chose…

 

Sigma08