Le stage d’études, ou comment se faire exploiter pour pas un rond

Alors voilà, nous y sommes, c’est le grand jour. Vous vous sentez un Homme ( ou une Femme dans certains cas ), vous êtes Adulte, c’est le premier jour de votre stage d’études. Fini les petits boulots d’été chiants, crevants, énervants, fatigants, barbapapants, étourdissants, boulversants, et euh, je vais où là moi ? hein, ha oui, donc fini les livraisons de pizzas, la plonge dans le resto du beau-frère de votre tante, la chaleur épouvantable des serres de tomates, les cons de clients du Mc Do, ou tout ce que vous avez réussis à inventer pour gagner quelques malheureux sous dans votre été . Non, maintenant vous êtes un grand, vous arrivez dans une vraie société, avec un vrai rôle à tenir, celui de stagiaire. Mon Dieu, vive les boulots d’étés…
Donc voilà, lundi matin, le réveil a sonné pour la première fois des vacances, quel con celui-là, mais c’est pour la bonne cause, ce super stage qui fait la fierté de votre mamy et de ses copines du club de dominos. Bref, pour une fois dans votre vie, vous arrivez à l’heure. Putain que c’est beau une vraie entreprise avec de vrais laboratoires ( oui parce que je suis en filière scientifique donc forcement y a des labos ). Tiens, c’est bizarre, y’a pas beaucoup de voitures sur le parking. Vous êtes là, dans le hall, vous souriez bêtement à tous les gens qui vous passent devant, vous leur faites de grands bonjours, vous vous sentez important. Mais c’est bizarre, on dirait que eux ils s’en foutent de vous. Bof, ce sont sûrement de petits employés, vous valez bien mieux.
Un quart d’heure après, la bouche coincée en un atroce sourire par une putain de crampe, vous essayez de vous donner un peu de prestance, merde, quelqu’un va bien finir par vous remarquer. Ha oui, ça y’est, on vient vers vous, enfin. « Vous êtes le stagiaire ? bon ben attendez là, la directrice va arriver. » Ah bon, ben vous attendez alors. Une demie heure quand même qu ‘elle a mis pour arriver la directrice, quelle ponctualité .Elle vous trouve à moitié endormi dans un vieux fauteuil pourri. Vous n’avez plus la force de vous lever, vous n’y croyez plus, ça fait une demie heure que vous faites un bond à chaque personne qui passe, que vous lui resservez le sourire de chez colgate ultra brite, que vous sortez le bonjour le plus suave et sensuel que vous connaissez, mais qu’à chaque fois c’est tout juste si on vous voit. Du coup là, vous ne bougez pas… Pas de bol, madame la directrice n’apprécie pas beaucoup les stagiaires affalés dans les fauteuils. Voilà votre premier mauvais point dans son rapport (vous inquiétez pas , les mauvais points, c’est en gros la paye du stagiaire ).
Enfin, ça y est, on vous confie votre premier vrai travail de stagiaire, ce qui fera de vous un Homme ( ou une Femme je sais, mais bon, c’est une expression). Donc oui, votre premier travail : lire trois classeurs remplis de procédures de manipulations, de chiffres, de dates, de mots, de tableaux, de schémas, de pokémons, de photos d’Aliz… oups, ça c’est mon album personnel, bref, un vrai petit cours rien que pour vous. C’est bizarre, mais votre réaction est la même que durant toute l’année face à vos cours de fac, un gros baillement, et une observation méticuleuse de tous les coins et recoins de la pièce ou vous vous trouvez. Au bout de deux heures, la patronne revient, vous, vous êtes lamentablement effondrés sur la première page du premier classeur. Pas la peine de mentir, elle est décalquée sur votre joue… Vous aurez beau lui faire un résumé de la folle bataille que se sont livrées une colonie de fourmis et une mouche pour la conquête de trois miettes de pain, voici votre deuxième mauvais point pour votre gueule, mais à partir de là vous n’en avez déjà plus rien à foutre. Votre première matinée se termine, vous vous êtes encore plus emmerdé qu’à la fac, votre fierté est retournée se coucher, et vous avez bien envie de la rejoindre.
Mais après un bon petit repas à la maison, préparé amoureusement par votre gentille maman, vous revoilà d’attaque. Enfin quand même, c’était p’tet pas une bonne idée le cassoulet . Enfin, rien ne peut être aussi chiant que ce que vous venez de vivre… non, enfin si. Parce que l’après midi, certes vous ne voyez pas la patronne ( on se demande ce qu’elle fout de ses journées celle-là ), mais les gentils employés ont bizarrement moins de respect pour vous que ce à quoi vous vous attendiez. Et puis y a un truc qui vous chagrine, comment ça se fait que vous soyez venu pour un stage laboratoire, alors que vous passez cet après-midi à faire de la manutention dans l’entrepôt ?

Enfin voilà votre première journée est terminée, mais ne vous inquiétez pas, elles seront toutes pareil. Vous passerez une fois dans le labo, oui, il y aura bien un carton à y déposer, le reste du temps vous ferez le boulot d’un intérimaire, à cette grosse différence que vous ne serez pas payés à la fin du mois, pas un centime, pas un brouzouf, que dalle, rien, nada, niet, bref, c’est bizarre, en vous couchant chaque soir, vous avez l’impression de vous être fait enc…er violemment.
Bienvenue dans le monde adulte, le monde des stagiaires, les seuls gars assez cons pour faire un putain de boulot bénévolement pendant l’été. Vive les jobs d’été…

Ludwig