Je saute le pas

Alors voilà je saute le pas, je passe le cap, j’enjambe la clôture 22 000volts et je suis parti pour exposer au su de tous mon point de vue sur tout un tas de trucs complètement ahurissants d’inutilité, d’autant que j’ai parfaitement conscience de ce que je sais parfaitement qu’au pire je serai lu par deux potes sympas, parcouru par Scandisk et à l’occasion le CSA pour vérifier que je raconte n’importe quoi mais sans outrepasser les limites imposées par la morale.


Le problème existentiel d’aujourd’hui tient en une phrase : comment concilier sa vie professionnelle et sa vie privée ? A première vue, ça reste assez simple. Maison, Bureau, vice versa et inversement. En général, on fait la différence. Oui mais voilà deux trois trucs viennent dynamiter cette joyeuse harmonie : les congés, les jeunes et les ordis. Je m’explique. Imaginons que vous soyez jeune (ce qui est le cas puisque vous avez un ordi, que vous savez vous en servir et que vous êtes sous la table à vous rouler sur le dallage marbré de la salle de jeu privative attenante à votre chambre tellement c’est à se fendre la poire ce site, sérieux). Bref, pour schématiser, vous êtes jeune, beau, les yeux brillants d’un avenir prometteur et ambitieux, en un mot, vous êtes étudiant à la fac. Et c’est là que ça bugue. Si vous ne connaissez pas cet état d’hibernation prolongé qui fait que l’année se termine en mars après avoir débuté en octobre (avec un peu de délai pour se mettre en jambe et aussi des vacances pour se remettre de cette mise en jambe franchement faudrait pas pousser on est pas en prépa non plus franchement), vous ne connaissez pas cette douce confusion qui fait qu’on est chez soi à 3 heures de l’après-midi, qu’on peut se servir de sa table ou de son voisin (s’il est d’accord ou si c’est une fille) comme oreiller de manière à finir sa nuit passée à éclater des mutants sur PC ou bien à retranscrire l’intégralité des annotations jurisprudentielles n°46 de son code civil, voire à préparer ses TD d’administratif (ces deux dernières occupations dénotent toutefois des troubles profonds de la personnalité je vous rassure). En un mot, les journées sont complètement disjonctées, commencent à 18 heures30 ou finissent à 9heures le matin ou bien ne commencent pas du tout, ce qui contraint le jeune étudiant angoissé par son avenir à se retourner dans son lit de l’autre côté pour trouver le sommeil (c’est pas si facile, promis, après une sieste de 15 heures..). On en revient à notre angoisse existentielle citée en 1) (cf infra)(ligne 4)(les juristes me comprennent et ont envie d’exploser leur écran). Ce dérèglement biologique qui fait qu’on a faim à 5 heures du matin ou au milieu d’un cours d’institution administratives (ou soif) perturbe profondément le jeune étudiant habitué à ne pas se bourrer la gueule aux heures de bureaux. Comment voulez vous, dès lors, que celui-ci intègre des informations aussi complexes que la localisation géographique de sa situation, les gens à qui il cause, de quoi il est en train de leur causer et enfin si bon sang à la fin il est cinq heures du soir ou cinq heures du matin que cette saleté de montre quartz à cadran est pas foutue de donner la réponse. Autant vous dire que amphi, pas amphi, chambre, le jeune étudiant soumis aux aléas de la vie et de son taux d’alcoolémie ne saisit plus très bien cette différenciation fondamentale qui régit toutes les conventions sociales de savoir si tu es avec ta secrétaire ou avec ta femme (le type qui y voit un sous-entendu me voit très surpris). Et vous reprenez le raisonnement en remplacant le terme « jeune » par « catégorie socio-culturelle des 35 et + » : vous avez le même problème de déstabilisation latente dès qu’on décide d’octroyer à cette population un week-end, ou encore (comble de la désorientation du malheureux cadre sup) quand on lui invente l’ordi que vous avez même plus besoin d’aller au bureau que votre patron il vient vous harceler chez vous directement, et que par souci d’anonymat nous appellerons « télétravail ». Pour résumer le tout, comprenez bien que réussir à gérer sa vie privée et sa vie professionnelle relève de l’exploit parfaitement inaccessible. Des questions ? Bon, c’est parfait, il est bientôt 22 heures, je vais aller me coucher.(cette dernière phrase est un exemple flagrant du déréglage bio-moléculaire de l’auteur de ces lignes. Que même ça expliquerait deux trois choses, comme par exemple que c’est viscéralement incompréhensible ce qu’il vient de nous torcher. Heureusement qu’on connaît aucun site capable de publier ce genre de patée verbale. Pas un seul . Aucun. Même en cherchant. Impossible. Complètement inenvisageable. Comment ?

Gamin009